Entre Alpes-Maritimes et Alpes-de-Haute-Provence

La Route Napoléon, à la poursuite de l’empereur

Mettez vos pas dans ceux de l’Aigle pour découvrir, de Cannes à Grenoble, paysages et villes du Sud de la France.

En 1815, Napoléon quitte son exil pour (re)conquérir la France. De Golfe-Juan jusqu’à Grenoble, le chemin du retour ressemble à un itinéraire touristique où l’Empereur visite et crée, par son simple passage, le patrimoine de la patrie.

Le chemin emprunté par Napoléon pour reconquérir la France ne pouvait qu’être historique. Pas étonnant donc, que le chemin prenne son nom, en 1932, avant d’être transformé, quelques années plus tard en une route forcément nationale.

De Golfe-Juan à Grenoble, Napoléon, en route vers son destin, ne prend sans doute pas le temps de profiter des paysages ou des monuments : se baigne-t-il à Digne-les-Bains ? Admire-t-il le travail de Vauban en passant par la forteresse de Sisteron ? Occupé à marquer de son empreinte le roman national, l’Aigle ne courrait pas, il volait. Mettez vos pas dans les siens, mais ralentissez la cadence, pour découvrir et profiter au mieux des villes et villages traversés, sans s’arrêter, par l’homme pressé.

de Golfe-Juan à Grasse

La Côte d’Azur

« Salut France, terre de braves ! » s’exclame Napoléon en débarquant à Golfe-Juan, le 1er mars 1815. Petite baie mélancolique et charmante, d’après Victor Hugo, Golfe-Juan est choisie pour sa discrétion : il ne s’agit alors que d’un village de pêcheurs comptant une quarantaine d’âmes, et Napoléon peut accoster en plein jour sans être inquiété. Depuis le passage de l’Empereur, le petit village a en effet bien changé. Dans la baie de Golfe-Juan, entre le cap d’Antibes et les îles de Lérins, les plages du Midi, autrefois désertes, sont désormais bordées par des restaurants, magasins de souvenirs et clubs de sports nautiques.

Dès le soir du 1er mars, Napoléon quitte Golfe-Juan et rejoint Cannes. Si la rue du Bivouac, à deux pas de la Croisette, ne rappelle que par son nom le passage de Napoléon, le Suquet vous renvoie lui au temps passé, avec ses petites ruelles pavées, sa tour de défense et les vestiges du château médiéval.

Craignant d’être arrêté par l’armée royaliste, Napoléon ne s’attarde pas à Cannes et prend la route de Grasse, moins fréquentée que celle du Rhône. Arrivé à Grasse, il évite le centre-ville et fait halte au plateau de Roquevignon. Le cœur de la ville est pourtant à découvrir, avec sa charmante église romane, faite de pierres claires, et la maison du peintre Fragonard. Entourée de lavande, Grasse est connue comme la ville du parfum. C’est dans la maison Galimard, parfumeur depuis 1747, que vous retrouvez l’Empereur, honoré par la fragrance Napoléon 1815, avec un cœur de rose, de jasmin et de patchouli. Le parfum de la victoire ?

Toujours soucieux d’éviter les grandes routes, Napoléon et sa troupe empruntent de mauvais chemins muletiers, aujourd’hui devenus de jolis sentiers de randonnée. A Saint-Vallier-de-Thiey, Napoléon s’assoit sur un banc de pierre, aujourd’hui considéré Monument historique. A Séranon, il fait encore mieux et dort, tout habillé, sur un fauteuil du château de Broundet. Si la forteresse est aujourd’hui une ruine, le fauteuil est encore en bon état ! Plutôt que de vous y installer, lancez-vous, à pied, à cheval ou à vélo, à la découverte de la nature environnante, garrigue, forêt de pins ou plateaux calcaires.

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de chemins difficiles en eaux revigorantes

La Provence

Napoléon poursuit son épopée touristique en s’éloignant de la Côte d’Azur pour découvrir la Provence. Conspué lors de son précédent passage dans la région, il choisit toutefois de se faire discret et évite Draguignan pour gagner la montagne, moins fréquentée. Son arrivée à Castellane, le 3 mars, se fait sous la neige : impossible pourtant de manquer le Roc, impressionnant bloc calcaire haut de près de 200m qui domine la ville. Si l’Empereur n’avait pas le temps de s’adonner à l’escalade, rien ne vous empêche de gravir le Roc pour croiser des bergers sur la route de la transhumance, avant de redescendre pour descendre, en kayak, les célèbres gorges du Verdon.

Napoléon évite les grandes routes et choisit un sentier tortueux passant par le col de Corobin. En chemin, une mule aurait fait chavirer une caisse d’or dans un ravin. Reconstitué et fléché, le sentier authentique pris par l’Empereur permet aujourd’hui d’avaler, en deux à trois jours, les 50km qui séparent Castellane de Digne-les-Bains : peut-être l’occasion de retrouver le trésor…

La garnison de Digne-les-Bains, une centaine de soldats désarmés ou ralliés à la cause, n’arrête pas la route de Napoléon, « l’invasion d’un pays par un seul homme », suivant les mots de Chateaubriand. L’Europe n’attendant pas spécialement votre retour, profitez des eaux et des maisons thermales de la ville, réputées depuis l’antiquité. A 600m d’altitude, Digne est une ville typique des Alpes-de-Haute-Provence, avec sa grande place et sa fontaine du XIXe siècle, aux allures de petit temple antique. Considérée comme la capitale de la lavande, Digne-les-Bains organise chaque année un grand marché regroupant les producteurs locaux. Accrochez quelques brins de lavande à votre boutonnière, alternative chromatique très raisonnable à la cocarde tricolore.

Après Digne, Sisteron pointe à l’horizon… L’imprenable citadelle est le premier obstacle majeur sur la route de reconquête de l’Empereur…

l’Aigle prend son envol

De Sisteron à Grenoble

Finies les balades sur la plage et les randonnées bucoliques en montagne ! A Sisteron, le destin se joue : les troupes royalistes peuvent mettre fin à l’aventure de l’Empereur. Après tout Sisteron n’est-elle pas, comme le disait Henri IV, la plus puissante forteresse du royaume ? Face au rocher de la Baume, sorte de gigantesque mille-feuille de pierre, la citadelle domine le paysage. Depuis la ville, un escalier souterrain, taillé à même la roche, permet de gagner la forteresse. En le traversant, dans une obscurité propice au rêve, il est facile d’imaginer évasions, assauts et combats de chevaliers… Depuis le sommet, une vue panoramique vous permet d’admirer, comme l’Empereur, le cours de la Durance, les Alpes-de-Haute-Provence, et l’ennemi.

Une semaine après son retour, Napoléon fait enfin face aux troupes royalistes à Laffrey, petite ville connue pour ses quatre lacs d’altitude. Dans la prairie de Laffrey, désormais connue comme prairie de la rencontre, l’Empereur s’adresse aux soldats : « S’il est parmi vous un soldat qui veuille tuer son Empereur, me voilà ! ». Les troupes crient « Vive l’Empereur ! », la partie est gagnée.

L’arrivée à Grenoble, capitale de la région, met fin à l’itinéraire touristique, tandis que la route de l’Histoire se poursuit jusqu’à Paris. Empruntez le téléphérique pour prendre de la hauteur et contempler la route déjà parcourue. N’ayant pas de couronne à reconquérir, prenez du temps pour découvrir, pacifiquement, le cœur de la ville, les jardins et les berges de l’Isère. Au musée de la ville, aux côtés de toiles majeures signées Picasso, Rubens ou Warhol, admirez des antiquités égyptiennes. Un indice qui échappa à l’Empereur, bien qu’il fut clair : passé Grenoble, la grandeur de Napoléon était déjà derrière lui

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