Rhône

Couvent Sainte-Marie de La Tourette

Œuvre parmi les dernières du Corbusier, le couvent Sainte-Marie de la Tourette déjoue les codes religieux pour mieux provoquer la réflexion.

Un jeu d'équilibre architectural signé Le Corbusier.

On pourrait le prendre pour une base militaire secrète, pour une prison, un vaisseau spatial au train d’atterrissage déployé, pour bien des choses, en somme… Mais pour un édifice sacré, jamais. Aujourd’hui, le couvent Sainte-Marie de la Tourette surprend autant qu’il a choqué lors de sa construction, entre 1956 et 1959. Il faut dire que dans un paysage religieux amoureux des vieilles pierres, son architecture bétonnée et brutaliste détonne. Elle est signée Le Corbusier, génie des formes, habitué au scandale, à qui le Révérend Père Marie-Alain Couturier commanda un "couvent entre ciel et terre". L’architecte s’exécuta à la lettre et plaça sa construction en équilibre périlleux sur le versant d’un vallon, la contraignant à se jouer de la pente par un surprenant système de pilotis. Le troisième des cinq étages s’aligne avec le niveau du sol et le reste s’exhibe comme un sous-sol à ciel ouvert. Beauté des paradoxes. Le couvent Sainte-Marie de la Tourette est comme posé arbitrairement au milieu de prairies et de zones boisées, intimidant par la rigueur de ses formes et son agencement en carré aux angles droits saillants. On ose à peine s’approcher.

Et la lumière fut.

Visiter le couvent Sainte-Marie de la Tourette nécessite de patienter quelques secondes, le temps que vos yeux s’habituent à la pénombre. Ici, en effet, nul éclairage électrique, seule la lumière du soleil vient dévoiler l’intérieur des lieux. Le Corbusier a offert à celle-ci un rôle crucial ; c’est dans sa victoire contre l’obscurité que s’illustre le caractère sacré du lieu. Aussi l’architecte lui a-t-il offert mille terrains de jeu : baies immenses, damiers de fenêtres, puits… Les prie-Dieu s’alignent dans le noir, avec seuls quelques rayons qui se glissent dans les fentes étroites des murs pour éclairer les nuques. La dramaturgie est solennelle mais diablement efficace ; à croire que c’est l’obscurité qui allume le mieux le sentiment du divin. Souvent, d’ailleurs, aucune vitre ne vous sépare du paysage extérieur. Le couvent Sainte-Marie de la Tourette aime jouer sur les pleins et les vides, les volumes. En passant des murs immenses du réfectoire aux cellules exiguës des frères, l’espace semble se compresser pour se déployer de nouveau dans le cloître, sobre, vide et géométrique comme une toile de Miró.

Bienvenue parmi vos frères.

Malgré le calme froid qu’il dégage, le couvent Sainte-Marie de la Tourette vous accueille à bras ouverts. C’est un couvent, que diable, pas un monastère et l’intention n’est donc pas pour les onze frères dominicains qui y vivent encore de s’enfermer dans une retraite spirituelle, loin des hommes et du monde. C’est au contraire l’église qui prend ses distances, elle que Le Corbusier a volontairement détaché du reste de l’édifice. Les religieux, eux, se montrent partout et jouent les guides touristiques, les commissaires d’exposition. Comme pour souligner la beauté de l’édifice, la communauté prête aujourd’hui ses murs à des expositions d’art contemporain, des concerts ou des colloques, et même à un restaurant où déjeunent les résidents temporaires. Libre à vous de réserver une chambre : vous logerez dans une petite cellule individuelle, à l’image de celle des frères : tout en longueur et dotée d’un bureau placé sous la fenêtre. Vous voilà dans l’entre-deux voulu par Le Corbusier, au cœur de l’esprit du lieu.

Informations pratiques

Adresse

760 route de La Tourette
69210 ÉVEUX
France

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